28 mai 2025
On sait les conséquences préoccupantes de la baisse du nombre d’insectes sur la puissance de pollinisation, de régulation des parasites ou encore de l’alimentation des oiseaux. Beaucoup moins connues et pourtant fondamentales : les conséquences sur le cycle du phosphore !
Une vaste étude britannique a récemment remis sur le devant de la scène le sujet du dramatique déclin des insectes. Entre 2021 et 2024, le nombre d'insectes s'est effondré d'au moins 63% dans l’archipel. En Europe continentale, nous notons une diminution globale de 70 à 80 % en 40 ans.
Parmi les nombreuses conséquences systémiques de cet effondrement, celle-ci est sans doute aussi latente que sous-estimée : le ralentissement du cycle du phosphore assimilable par les plantes.
Le phosphore est une molécule fondamentale puisqu’elle permet aux organismes vivants de fabriquer l’ADN et l’ARN – matériel génétique qui double à chaque division cellulaire. Elle est essentielle aussi à tant d’autres fonctions physiologiques, notamment énergétique (photosynthèse) et respiratoire. Sans phosphore, pas de développement végétal, ni donc de captation du carbone.
Le phosphore est globalement instable à l’état où il est assimilable par les plantes – celui d’ions phosphates. Il va donc avoir tendance à minéraliser sous des formes stables, où il n’est plus disponible pour le vivant – phosphates de calcium, de fer, d'aluminium, etc.
Pour que ce précieux minéral reste biodisponible, il faut donc qu’il soit capté dans les organismes vivants puis redécomposés, en permanence. Il est apporté aux plantes par les excréments, urines, cadavres des grands animaux comme des petits, et il est transmis aux racines des plantes par certains types de mycorhizes. Les animaux acquièrent leur phosphore en mangeant les plantes, etc.
En somme, plus la biodiversité est active, plus la quantité de phosphore bioassimilable qui reste sur place est importante.
On peut ainsi voir les animaux, insectes, oiseaux, comme autant de petites mines de phosphore ambulantes, qui répartissent la ressource de façon homogène, garantissant la bonne santé du puits de carbone végétal.
Une partie de ce phosphore va quand même être lixivié, c’est-à-dire dissous par l’eau et emmené dans les rivières, puis les mers. Pour reboucler la boucle et rapporter ce phosphore au cœur des forêts, on peut compter sur les oiseaux migrateurs, et surtout sur les poissons migrateurs. Du moins on pouvait !
Les insectes sont les porteurs de phosphore « au dernier kilomètre » - au dernier centimètre en l’occurrence. Une baisse du nombre d’insectes, ce sont donc des végétaux qui disposent de moins de cette ressource, et plus de phosphore qui passe au stade minéral.
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