28 mai 2025
Un énième exemple du fait que nous ne savons même pas que nous ne savons… pas grand-chose !
Grâce à des instruments de pointe embarqués sur des navires scientifiques dans l’Atlantique, une équipe mixte de l’Université d’Exeter et de l’Agence spatiale européenne a pour la première fois réalisée des mesures précises de ce qui n’était à ce stade qu’une théorie.
Une fine couche d’eau, moins de 2 millimètres, recouvre la surface de l’océan au sein d’une strate à part entière, relativement homogène, plus froide d’environ 0,2°C et légèrement plus salée.
On doit ce phénomène à l’évaporation de surface le jour qui consomme de l’énergie donc dissipe de la chaleur, et la nuit, à l’émission vers le ciel du rayonnement infrarouge emmagasiné le jour.
Une véritable membrane qui limite légèrement les perturbations physiques comme les vents, et les échanges gazeux.
Jusqu’à présent, les modèles climatiques classiques utilisent la température mesurée à 5-10 cm sous la surface pour calculer le flux de CO₂, alors que le CO₂ s’échange à travers cette "peau", qui est plus froide.
Or plus l’eau est froide, plus elle absorbe de CO2. Cette ancienne méthode fausse donc l’estimation du gradient de pression CO₂/eau de surface, et donc sous-estime l’absorption de CO₂ par les océans.
En somme, avec cette nouvelle découverte, on découvre une augmentation du puits de CO₂ de l'Atlantique d'environ 1 Gigatonne par an, soit environ 7 % de plus que les estimations traditionnelles.
Ça n’est vraiment pas rien ! Transposé à l’ensemble des océans maintenant, c’est 5 fois plus, soit l’équivalent de 1,5 fois la capacité de puits de carbone de la forêt Amazonienne. Nous allons donc pouvoir améliorer la précision des projections liées au changement climatique, et du rôle de l’océan dedans.
Rien n’est binaire : plus de CO2 absorbé c’est aussi plus d’acide carbonique, donc plus d’acidification des océans. Néanmoins, plus on a de vie marine, moins ce carbone dissous se transforme acide, et c’est bien nous qui détruisons – ou reconstituons – cette biomasse.
Bref, nous connaissons mal notre maison – Oïkos logos (écologie). D’autant que cette peau n’est pas que le résultat d’un phénomène physique : elle est aussi enrichie en composés organiques comme des lipides excrétés par des bactéries ou des animaux marins, des surfactants (substances qui modifient la tension de surface), certainement des composés anthropiques comme des microplastiques, molécules issues de la pétrochimie… dont nous sommes loin de connaitre les effets.
Pour la science océanique en tout cas, c’est une révolution comparable à la découverte du rôle du microbiote chez l’Homme !
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Pour aller plus loin, découvrez « les nouvelles voies du géomimétisme : soigner le climat grâce au vivant », mon dernier ouvrage à paraître le 21 mai aux éditions Odile Jacob.